After exit
Évaluation des Conséquences du Retrait des Casques bleus
- Introduction par Ronald Hatto, Senior Lecturer à Sciences Po-CERI
- Interlocuteur : Richard Caplan, professeur en Relations Internationales du Département de Politiques et Relations Internationales de l’Université d’Oxford.
Depuis la fin de la Guerre Froide, les missions de maintien de la paix se sont multipliées et ont fortement évolué. Au commencement, les activités des missions de maintien de la paix étaient limitées : elles incluaient une présence militaire dans le but d’un cessez-le-feu, de la surveillance, et une légère assistance aux gouvernements. Elles connaissent depuis une grande expansion et couvrent une large gamme d’activités telles que le travail humanitaire, des actions en faveur des civils, encadrer des élections…
Le projet de recherche de Richard Caplan, John Gledhill et Andrea Ruggeri soulève la question suivante : les missions de maintien de la paix construisent-elles réellement une paix durable dans des Etats capables de fonctionner ? En effet, elles coûtent chaque année des milliards de dollars il est donc primordial de se poser la question du retour sur l’investissement. L’étude s’effectuera sur les effets de court et long terme des missions de maintien de la paix dans les Etats qui en ont bénéficié.
Les trois chercheurs sont partis du constat qu’il existe très peu de données sur les résultats empiriques des missions onusiennes. Il existe en effet beaucoup d’évaluations réalisées par les Nations unies elles-mêmes or il n’existe pas de modèle pour ces rapports ce qui rend leur qualité variable et leurs axes de recherche très différents. De plus, une fois les missions terminées, les rapports s’arrêtent aussi. D’autres organisations effectuent des rapports comme la Banque mondiale ou le programme de développement de l’ONU cependant elles les réalisent dans des objectifs particuliers, pour leurs intérêts. Une étude a été lancée par Ban Ki Moon dans les années 2000s « The High-Level Independent Panel on United Nations » (HIPPO), qui couvre de manière générale les structures et politiques onusiennes sans se concentrer sur aucun pays spécifique. Des études académiques existent également. Les études quantitatives se concentrent sur la capacité des missions à maintenir la paix dans les territoires concernés, or elles s’intéressent peu à l’impact des opérations sur la paix à long terme, si elles contribuent ou non à l’établissement d’une paix durable et la construction d’un Etat capable et enfin ignorent les faits après le départ des Casques bleus. Il y a également beaucoup d’études qualitatives, qui portent leur attention sur les différentes dimensions des opérations de maintien de la paix. Cependant, elles se concentrent en général sur la réalisation des mandats fixés et non sur leur capacité à construire un Etat stable.
Le projet de Richard Caplan et de ses collègues est de se focaliser sur tous les cas des opérations de maintien de la paix achevées. Leurs questions de recherche sont les suivantes : quelles sont les trajectoires de court-terme des Etats ? Quels chemins ont-ils emprunté pour construire un Etat stable cinq ans après le départ des troupes onusiennes ? Quel est l’état de ces territoires et peut-on dire qu’il représente les conséquences attendues ou non des missions de maintien de la paix ? Ces questions cherchent à mettre en relation le maintien de la paix avec les conditions des Etats. Les cas considérés pour cette étude seront restreints et concernent 16 Etats : ce chiffre représente les Etats ayant bénéficié des opérations de maintien de la paix comptant plus de 650 troupes, et regroupant des mandats multidimensionnels (économie, impôts, sécurité, élections, corruption). L’étude se concentrera également sur l’implication de ces Etats dans les missions onusiennes et plus généralement de leur relation avec l’ONU. Enfin, seront analysées les relations avec les Etats voisins, si des conflits persistent ou non et si ces résultats sont une conséquence directe des opérations de maintien de la paix ou non.
Cette étude semble difficile pour plusieurs raisons, les Etats ayant bénéficié des opérations onusiennes sont souvent pauvres et n’ont pas de données fiables. Le problème de la causalité doit également être soulevé : il faut distinguer les effets des interventions des Casques bleus parmi les autres évènements qui se déroulent au même moment mais aussi les effets des interventions depuis le départ des troupes. Il sera de plus très difficile de généraliser et tirer des conclusions sur les seize cas. Plusieurs méthodes seront utilisées pour pallier ces problèmes : tant qualitatives que quantitatives avec des questionnaires et des interviews de dirigeants afin d’analyser leur perception sur les effets des missions de maintien de la paix. Les chercheurs se concentreront plus amplement sur le Liberia et Haïti, qui ont bénéficié d’opérations de maintien de la paix tout juste achevées. Cela permettra d’étudier les effets de ces opérations tout de suite après le départ des troupes onusiennes. De cette manière, les questionnaires pourront être proposés à la fin de l’opération, puis de nouveau 5 ans après. Les chercheurs utiliseront aussi une méthode comparative ‘matching’ entre les pays comparables ayant bénéficié des missions de maintien de la paix et ceux qui n’en ont pas bénéficié. La présence de Casques bleus semble par exemple augmenter le niveau de corruption, qui diminue après leur départ.
Les Nations unies dépensent des milliards de dollars dans ces missions tous les ans, avec pour objectif principal de construire des Etats capables et autonomes. Ainsi, une étude permettant de connaitre les effets de long terme des missions de maintien de la paix semble être une nécessité.
Compte rendu Louise Haden